Le revenu minimum de base encourage à travailler plus que les modèles d’activation des chômeurs
L’expérience du revenu minimum universel qui s’est terminée à la fin de l’année 2018 a été remarquée partout dans le monde, et de nombreuses publications étrangères ont noté la nouvelle. J’ai été interviewé par près de 80 médias, de BBC au Figaro.
La question de savoir : comment le revenu universel de base a changé ma vie ? revenait le plus souvent. La réponse est simple : financièrement – aucunement.
Par contre, les répercussions sur le plan humain ont été psychologiquement positives. Je préfère le revenu universel à l’ancien système avec ses formulaires compliqués, ses stages obligatoires et ses responsabilités inutiles. Normalement, le seul risque de perdre les indemnités chômage et le souci de les redemander m’empêchait d’accepter de petits travaux.
La bureaucratie est telle qu’un certain nombre de petits emplois ne valaient pas la peine d’être sollicités. Pour l’expérience du revenu universel qui débuta au début de l’année 2017, un tirage au sort eut lieu pour sélectionner 2 000 participants âgés de 25 à 58 ans, à condition qu’ils aient préalablement bénéficié d’une aide à l’emploi ou d’une indemnité journalière de base par Kela en novembre 2016. Il se trouve que je fus l’un des sélectionnés car à l’époque j’étais officiellement chômeur et ne bénéficiais plus d’aucune bourse.
Par cette expérience, le gouvernement finlandais a cherché à savoir s’il est plus facile de trouver un emploi dès lors que l’aide à l’emploi ou l’indemnité journalière est remplacée par le revenu universel de base. Le chômeur a pu percevoir son revenu universel dans sa totalité durant la période de l’expérience, y compris dans les cas où il trouverait un emploi.
En effet, il existe de plus en plus d’offres d’emplois à temps partiel ou réduit ce qui incite à préconiser des modèles de protection social qui permettraient d’accepter ces offres. L’expérience de revenu universel de base m’a permis de travailler. C’est aussi le cas de nombreuses autres personnes ayant participé à l’expérience que j’ai interviewées : de professionnels TIC ou du commerce aux artistes en passant par les étudiants en fin d’études.
Ceux qui ont sans nul doute bénéficié de cette expérience travaillent dans des domaines de la création, en freelances, en experts-conseils et sur divers projets. Le nombre de ces « travailleurs atypiques » est en hausse en raison de la numérisation et de la robotisation alors que la notion même du travail est en train de changer.
Mon revenu se compose de rémunérations d’articles, de conférences et de diverses bourses. Ayant été chômeur à plusieurs reprises pendant de courtes périodes, j’ai touché des indemnités de chômage.
En tant que journaliste freelance, j’ai vendu de longs articles et j’ai donné des conférences dans des occasions traitant du journalisme. Certains mois, j’ai gagné près de trois mille euros, d’autres rien du tout. En Finlande, un chômeur a le droit de gagner un maximum de trois cents euros. Dépassé cette somme, le taux de l’imposition s’élève à 50%. Pendant l’expérience j’ai pu accepter des interventions de 250 euros dans des bibliothèques et des écoles ou participer à des tables rondes dans des salons du livre.
Selon l’employé qui me reçoit (à l’Agence pour l’emploi et le développement économique), je suis considéré comme chômeur, comme entrepreneur, comme travailleur intermittent ou comme bénéficiaire d’une bourse.
Le problème réside dans la difficulté de définir le travail.
De temps à autre, je joue du piano dans des restaurants, seul ou accompagné de mes orchestres. Suis-je alors un musicien qui travaille et qui, par conséquent, n’a pas droit aux allocations chômage ? Je joue pour le plaisir de la musique mais il est difficile de parler de travail alors qu’il ne me reste que 50 euros, une fois les cotisations retraite et les impôts payés.
Certains disent que le modèle du revenu universel revient trop cher. C’est aussi le cas pour les repas scolaires gratuits, l’école de base ou la santé publique. Certains critiques prétendent que le revenu universel de base, tel qu’il a été expérimenté en Finlande, ne pourrait pas être appliqué sur toute la population, car selon certaines évaluations il serait déficitaire de 10 à 15 milliards proportionnellement à la population.
Les emplois qualifiés « d’atypiques » augmentent et notre système social ne correspond plus aux exigences d’aujourd’hui. Les garanties sociales minimales réorganisées demanderaient davantage d’argent : pour augmenter le niveau minimum, renforcer le stimulant économique et simplifier. Les dépenses de Kela sont actuellement de 15 milliards d’euros par an, ce qui représente 7 % du PNB.
Il est certain que l’imposition sur les modèles de revenu universels augmenterait quelque peu mais d’un autre côté, ce manque sera compensé par le revenu universel de base, ce qui, pour les personnes travaillant, reviendrait au même. Si le nombre des personnes percevant le revenu universel de base augmente, le besoin de collecter l’impôt à des particuliers diminuera. Le revenu universel de base aura plutôt un effet positif sur le pouvoir d’achat car il aiderait surtout les travailleurs à faibles revenus.
Selon les sceptiques, le revenu universel rend les gens paresseux. Les résultats restreints de plusieurs expériences sur le revenu universel dans le monde nous démontrent néanmoins que l’argent du revenu de base est plutôt utilisé à améliorer la qualité de la vie que pour encourager la paresse si redoutée.
Selon les études, la motivation des chômeurs n’est pas mauvaise et il n’est certainement pas justifié de prétendre que le chômage serait en grande partie la conséquence du manque d’envie de travailler des chômeurs. Les cas isolés, constamment relevés par les médias sur les « paresseux qui évitent tout travail” produisent des points de vue intéressants et la colère des réseaux sociaux mais ne représentent pas la tendance générale.
Le revenu universel de base mettrait fin à l’humiliation des pauvres. Les étudiants, les chômeurs, les femmes au foyer et les retraités pourraient mieux contrôler leurs vies. Le revenu universel libère la créativité, accroit l’égalité et augmente le temps libre. Quant à la liberté, elle fait progresser le bien-être mental dès lors que les parents peuvent par exemple mieux concilier le rapport entre le travail et la famille.
L’expérience du revenu minimum universel est sans doute ce qui est arrivé de mieux à la Finlande malgré les bonnes positions qu’occupe le pays dans les statistiques de bonheur et de supériorité en tous genres d’année en année.
Kela a fait son possible dans le cadre d’un délai de préparation très court et d’un petit budget. Malgré les lacunes de cette expérience, le besoin de simplifier la protection sociale devient urgent dès lors que le marché du travail dévie de plus en plus vers le travail intérimaire.
La réponse négative aux requêtes d’un budget supplémentaire par Kela a jeté la consternation à l’étranger. Certains partis au gouvernement ont perdu leur confiance avant même que l’expérience n’ait commencée. La préparation de l’expérience a démontré à quel point il était difficile d’élaborer un modèle qui remplirait toutes les attentes liées à l’encouragement du revenu universel de base. Le fait même de s’accrocher aux effets stimulants a limité les discussions et empêché de saisir la signification socio-politique plus large du revenu universel de base.
Le modèle d’activation des chômeurs augmente l’angoisse et l’inquiétude parmi les chômeurs et n’a pas d’effet positif, comme le revenu universel de base.
Espérons que l’expérience du revenu universel de base incitera les gouvernements futurs à poursuivre l’étude des différentes alternatives. Il serait judicieux d’élargir l’expérience aux travailleurs intermittents, aux freelances et aux petits entrepreneurs. Cela est tout à fait possible, il s’agit d’une décision de volonté politique.
Au courant de l’expérience j’ai postulé à des dizaines d’offres d’emplois et été invité une seule fois à un entretien d’embauche. Mes frais de logement sont actuellement de 2 000 euros par mois. Il est évident que je ne m’en sortirai pas avec le seul revenu universel. Là n’est pas la question. Le revenu universel de base est l’expression du stimulant par excellence puisqu’en soi il ne permet pas de subsister à ses besoins. C’est un excellent modèle d’activation des chômeurs car il force à travailler.
Tuomas Muraja
Journaliste et écrivain qui a participé à l’expérience du revenu minimum universel en Finlande